16 Avril 2007 : Bellaïd, le défenseur qui monte

Tout droit sorti de la pépinière de l’INF Clairefontaine, Habib Bellaïd est devenu en un an à peine titulaire indiscuté en Ligue 2 à Strasbourg et international espoir. A la lutte avec son club pour une place en Ligue 1, il s’annonce comme l’une des promesses défensives de demain.

Le documentaire suivant les jeunes pousses de l’INF Clairefontaine que Canal Plus avait diffusé il y a plusieurs années, nous renvoie au souvenir de Garra Dembélé, le petit prodige aux qualités aussi reconnues que sa propension à se créer lui-même des ennuis. Accusé de viol et baladé d’échecs sportifs en périodes de chômage, Dembelé a vu ses camarades grandir sans l’attendre. Capitaine de cette promotion, Habib Bellaïd, grande liane au regard perçant et aux vannes acérées, a lui parcouru bien du chemin. Après avoir écumé les terrains d’Ile-de-France avec le Red Star et le terrain bétonné de son quartier à Tremblay-en-France, durant de “longues parties acharnées", Habib partait vers le célèbre cocon de l’INF Clairefontaine après avoir satisfait aux épreuves de sélection. Il fila en Alsace à la fin de cette aventure, où il a tranquillement fait ses classes avec la CFA. Professionnel depuis un peu plus d’un an, le natif de Bobigny, fils de parents venus de Tunisie figure aujourd’hui régulièrement dans le onze titulaire du RC Strasbourg à tout juste 20 ans. Ses performances haut de gamme lui ont même valu deux récentes sélections chez les espoirs de René Girard. Tout ça, “sans se prendre la tête”, en gardant les pieds sur terre comme en témoigne son meilleur ami Souriya : “Il n’a jamais oublié d’où il venait, il revient souvent nous voir à Tremblay”.

Un grand espoir encore perfectible

Bellaïd ne rentre sans doute pas dans le carcan des jeunes talents évoluant tout en facilité, dribbleurs de cabines téléphoniques ou autres flèches supersoniques, obtenant un contrat pro à 16 ans révolus. Doté d’un gabarit imposant, et d’un sens tactique aigu pour son âge, Habib a lui percé grâce à un sérieux et un travail qui lui valent aujourd’hui de se prévaloir d’un bagage technique honorable pour un défenseur de son style. L’ensemble des entraîneurs qui l’ont dirigé reconnaît aujourd’hui la facilité qu’ils ont eue à travailler avec “l’un des meilleurs espoirs français à son poste” dixit Yves Henry Gergaud, ancien entraîneur des jeunes au Red Star qui complète : “Il était déjà un leader à l’époque et entraînait les autres, grâce son état d’esprit irréprochable”. Jean Pierre Papin, actuel entraîneur du Racing, renchérit en termes dithyrambiques : “Habib est un gros bosseur, il a naturellement gagné sa place à l’entraînement. Il a soif de progresser. Malgré son âge, ce n’est pas le genre que l’on doit tout le temps motiver. Il a, je pense, un bel avenir devant lui”. Bien sûr, sa marge de progression reste selon Papin “considérable”, lui qui est encore victime “d’un certain manque de rigueur et de petits soucis dans la relance”. Claude Dusseau évoque lui une certaine tendance à “l’autosatisfaction après une grosse performance qui ne devrait pas être trop difficile à gommer avec l’âge”. D’ailleurs, l’ancien buteur de l’équipe de France n’a pas hésité à laisser son meilleur atout défensif sur le banc voire à la maison plusieurs rencontres durant le mois de mars. Depuis, requinqué, Bellaïd a tranquillement repris sa place dans la défense alsacienne, produisant des performances parmi les meilleures, sinon les meilleures, de Ligue 2.

Et l’Olimpico se tut...

La saison dernière avait constitué le véritable point de départ de la carrière du Strasbourgeois, malgré quelques apparitions en 2004-2005 dont sa première à Troyes, un soir de novembre en Coupe de la Ligue. Jacky Duguépéroux, devant les nombreuses blessures dans l’axe de sa défense, donnait sa chance à Bellaïd, alors que club se battait pour conserver sa place dans l’élite. Au sein d’une formation bancale, plus mauvaise défense du championnat, ses 15 apparitions furent satisfaisantes même s’il ne put sauver le club de la descente avec ses coéquipiers. Egalement sur le pont en Coupe de l’UEFA, Bellaïd marquait les esprits face à l’AS Roma. Solide face à Cassano (même si ce dernier marquera), il fut surtout l’unique buteur de son équipe au Stadio Olimpico (1-1), au terme d’une contre-attaque où il reprit un centre...en position d’avant centre ! “Un énorme souvenir, la Coupe de l’UEFA, ça reste la Coupe d ‘Europe avec en face Totti, Cassano ou Nonda. Quand j’ai marqué, j’ai couru sans savoir jusqu’où j’irai (rires)”. Cette insouciance, qu’il a érigée en marque de fabrique, le rend paradoxalement plus fort : “Habib ne tergiverse pas, ce qui est indispensable pour un jeune qui veut s’imposer” dixit Yves Henry Gergaud.

Un avenir à éclaircir

La solidité d’ensemble de ses performances lui valent aujourd’hui de voir sa côte enfler sur le marché des transferts. Ne désirant pas suivre les traces de son pote de l’INF et du RCS Ricardo Faty, parti exprimer ses -immenses- qualités à la Roma, Bellaïd se voit pourtant, pour l’instant, en bleu et blanc la saison prochaine “ : Si on monte en Ligue 1, je resterai poursuivre mon apprentissage. Sinon...” Le jeune homme est déterminé et son message clair. JPP ne veut pourtant pas penser à une telle éventualité : “Je compte sur Habib pour contribuer à participer à la reconstruction du club. Il a encore plein de choses à faire ici. Strasbourg est le club idéal pour commencer à construire une carrière”. Si certaines rumeurs rapportent l’intérêt de grosses formations françaises et anglaises, le classement actuel du Racing dessine son avenir proche sur les bords du Rhin, en Ligue 1. Quant aux approches de la fédération tunisienne qui veut l’intégrer à la sélection, Habib reste ferme : “J’ai la possibilité de changer d’avis jusqu’à 21 ans puisque je ne joue qu’en espoirs, mais je suis parti dans l’idée de refuser”. Ne le répétez à personne, mais le garçon aurait, paraît-il, des ambitions davantage teintées de bleu.